L’acier trompé

A l’heure où François Hollande vient de se rendre à Florange, il peut être intéressant de se remémorer la triste aventure de ce site hautement symbolique du drame de la fermeture des usines.

Il est rare que des bandes dessinées conjuguent le social et le loisir de la lecture, mais les éditions Dargaud viennent de sortir une BD qui nous transporte dans l’univers des hauts fourneaux de Florange à l’époque où la menace de fermeture tenait les ouvriers en haleine. Le personnage principal est un jeune homme, Tristan, qui nous guide dans une aventure en milieu ouvrier. Tout commence à Gandrange, usine désormais célèbre en raison de sa fermeture. En situation de crise, tous les politiques, et notamment le président de l’époque, Nicolas Sarkozy, font tout pour persuader les citoyens du volontarisme de l’Etat. « Je vais sauver l’usine », affirme alors l’ancien chef d’Etat. Mais rien n’y fait, l’usine ferme. C’est l’introduction du livre consacré à Florange, autre fleuron industriel condamné à la fermeture.

Tristan se rend alors à Florange. Là, le lecteur entre, par le biais d’un dessin simple et plaisant, dans la communauté ouvrière, avec les dialogues entre ouvriers, entre ceux qui n’y croient plus et ceux qui s’illusionnent. Les enjeux économiques et d’emplois sont résumés et exposés avec pertinence : les familles aux chômage, les sous-traitants condamnés, l’économie locale en danger. L’intérêt du livre est alors de proposer une idée de la chaîne économique et du contexte social ouvrier. Ce qui est intéressant c’est qu’on voit les choses du point de vue des ouvriers et des salariés, ce qui n’est peut-être pas évident si l’on évolue pas directement dans ce milieu là.

Dans la troisième partie de la bande-dessinée, le narrateur revient sur l’histoire de Florange, le développement économique et industriel de la sidérurgie dans la région. Le lecteur découvre alors comment toute l’organisation urbaine s’orchestre autour de l’usine : les bureaux, les résidences, l’installation de tous les employés : contre maîtres, ouvriers, ingénieurs, et il peut prendre la mesure de ce qui doit disparaître.

Les ouvriers doutent. Ils ne savent plus que croire ou quoi faire. Certains sont tentés par des votes extrémistes. Les syndicats remuent ciel et terre pour trouver une solution. Pour alerter l’opinion les ouvriers menacés par le chômage marchent sur Paris. À ce moment là, c’est Arnaud Montebourg qui essaie de sauver le site. Mais rien n’y fait. L’usine est fermée. Non pas parce que Arcelor Mittal perdait de l’argent, mais parce qu’il n’en gagnait pas assez.

On s’interroge alors sur le sens de la politique et de l’Etat. Et on se dit que ce dernier devrait quand même pouvoir permettre aux salariés de vivre et de garder leur emploi. Et tel est le mérite de ce livre : nous faire entrer dans une perspective de solidarité avec les ouvriers qui en sont les héros malheureux, quand, étant tellement habitués aux « plans sociaux », on passe à coté des annonces de fermeture comme l’on passe à coté des cimetières de notre paroisse.

Un livre révélateur, instructif, touchant finalement, et qui peut servir de document en même temps que de manifeste pour la défense de ceux qui ont besoin d’un salaire pour vivre. 

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Florange – Une lutte d’aujourd’hui
Tristan Thil et Zoé Thouran
Editions Dargaud
17, 95 Euros