En phase d’expérimentation depuis deux ans, le programme de prévention Is-icope, qui vise à repérer au plus tôt d’éventuelles fragilités chez les personnes âgées, sera déployé sur l’ensemble de l’Isère jusqu’en 2027.
Le Département de l’Isère, en partenariat avec le CHU Grenoble-Alpes, le gérontopôle Auvergne-Rhône-Alpes et La Poste, va généraliser à l’ensemble du territoire le programme Is-Icope, qui trouve son origine et son inspiration dans le programme de prévention ICOPE (Integrated Care for Older People) de l’OMS. L’objectif principal étant de détecter précocement des fragilités et permettre ainsi aux personnes de plus de 60 ans de vieillir en bonne santé et en autonomie le plus longtemps possible, et repousser de fait l’entrée dans la dépendance.
En effet, les prévisions annoncent une augmentation de près de 40% du nombre d’Isérois et d’Iséroises de plus de 60 ans entre 2020 et 2040, tandis que dans le même temps le nombre de personnes de 75 ans et plus devrait être multiplié par deux. Or, la France affiche des résultats clairement insuffisants concernant les actions de prévention de la perte d’autonomie : malgré une espérance de vie à partir de 65 ans qui frôle les 20 ans – donc dans la moyenne européenne -, l’espérance de vie en bonne santé à cet âge-là est en revanche l’une des plus courtes (moins de 10 ans).
D’un point de vue strictement économique, les dépenses liées à la perte d’autonomie représenteront, en 2030, 30% du coût total des dépenses de prise en charge des personnes âgées dépendantes. La notion de « bien vieillir » représente donc un véritable enjeu, multidimensionnel.
Depuis deux ans maintenant, dans le Grésivaudan et dans la ville de Grenoble, plus de 500 personnes âgées ont pu profiter de l’application dédiée Digicope, entièrement gratuite. Concrètement, il s’agit d’un test d’une quinzaine de minutes, qui permet d’évaluer six capacités fonctionnelles grâce à des questions simples et des activités pratiques :
la mémoire : il sera demandé par exemple la date du jour, ou encore d’écouter un certain nombre de mots puis de les retranscrire quelques instants plus tard de manière « inopinée » au cours du test.
la nutrition : avec des questions autour d’éventuelles pertes de poids ou d’appétit.
la vision : il sera demandé si la personne rencontre des problèmes de vue, si elle souffre de maladies de l’œil, à quand remonte sa dernière visite chez l’ophtalmologiste…
l’audition : afin de savoir par exemple si la personne ou son entourage ont constaté une baisse de son audition durant les mois précédents.
l’humeur : les questions posées dans cette partie du test visent à détecter d’éventuels signes de dépression ou d’état dépressif, et a minima de baisse de moral.
la mobilité : comme pour le volet « mémoire », le test propose d’évaluer la mobilité grâce à une activité, en l’occurrence se lever et se rasseoir sur une chaise plusieurs fois de suite, bras croisés sur la poitrine et le plus rapidement possible.
En Isère, il a été décidé d’ajouter à ce test des questions complémentaires sur la « situation sociale », pour repérer les personnes en situation d’isolement et accompagner celles dont l’accès aux droits sociaux peut être compromis.
Cet auto-dépistage, à faire idéalement deux fois par an, s’inscrit dans une démarche proactive, laissant ainsi la possibilité à chacun de devenir acteur de sa propre santé. Cependant, pour ceux qui seraient peu familiers du numérique et qui n’ont pas la possibilité de solliciter l’aide d’un proche, les médecins traitants ainsi que les professionnels de santé peuvent prendre le relais. La Poste, partenaire du projet, a de même offert la possibilité à près de 300 personnes d’être accompagnées, par le biais des facteurs notamment qui ont réalisé de nombreux dépistages à domicile ou encore dans le cadre d’ateliers dédiés dans les territoires. Une manière d’inclure dans ce programme de prévention, justement, les personnes les plus isolées et parfois éloignées des circuits de prise en charge.
Les résultats du dépistage sont ensuite transmis de manière sécurisée aux professionnels de santé ou sociaux pour une évaluation approfondie. Ainsi, le CHU de Grenoble est chargé d’approfondir l’analyse afin de confirmer – ou non – la ou les fragilité(s) constatée(s) lors du test. Dernière étape de ce parcours de prévention : « proposer aux plus fragiles un ensemble de conseils pour surveiller et maintenir leurs capacités », comme l’indique Jean-Pierre Barbier, président du Département de l’Isère.
Concrètement, si une fragilité est confirmée, le CHU de Grenoble contactera la personne concernée et l’orientera vers son médecin traitant ou tout autre professionnel spécialiste. En cas de fragilités multiples, elle se verra plutôt prescrire une consultation au CHU auprès d’un gériatre ou bien au Centre de prévention Agirc-Arrco afin d’y réaliser un bilan de prévention. Les personnes présentant une ou des fragilités pourront par exemple être orientées vers un atelier de prévention de type « activité physique adaptée » organisé non loin de chez elles. Il existe d’ailleurs une cartographie des ateliers de prévention autour de la motricité, de la mémoire ou encore du lien social mis en place dans tout le département.
Lors de la phase d’expérimentation, les tests ont mis en évidence au moins une fragilité fonctionnelle présumée chez près de 9 personnes testées sur 10 : difficultés à effectuer des gestes du quotidien et/ou à se mouvoir, fatigue chronique, douleurs persistantes…Autour de 40 % d’entre elles ont bénéficié de préconisations préventives ou d’un plan de soin. L’approche préventive et collaborative qui a été mise en œuvre semble donc porter ses fruits.
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