Caron et la « droite bobards »

Loin des polémiques que peut susciter l’auteur, qui s’égare parfois dans certaines maladresses, Aymeric Caron propose dans son Incorrect le portrait d’une pensée dominante qui se soucie peu de la frontière entre mythe et réalité.

Quand le bobo se rebiffe

La « bien-pensance » ou le « politiquement correct », sont-ils toujours l’apange des progressistes, de ceux que l’on accuse avec mépris d’« angélisme » ou que l’on qualifie de « droits-de-l’hommistes » ? Pourtant, ce sont leurs détracteurs qui occupent aujourd’hui les unes des médias et donnent le ton au débat public. Quel journal, quelle émission de radio ou de télévision, n’a pas consacré sa une ou son thème principal au « problème » de l’immigration en France, à la peur de l’Islam, aux questions de sécurité et au prétendu laxisme d’État face aux criminels ?

Les sondages comme les résultats des derniers scrutins le montrent : la pensée majoritaire semble aller dans le sens des penseurs les plus conservateurs de ce pays. Éric Zemmour est-il encore politiquement incorrect quand plus de la moitié de la France se range derrière ses opinions, son goût pour une répression accrue, sinon son racisme plus ou moins avoué ? Quant à la bien-pensance, ainsi que le rappelle Aymeric Caron, elle ne désigne pas celui qui veut voir tout en rose, mais celui qui accorde son discours avec le discours dominant. Tout l’inverse en somme d’une Christiane Taubira qui prêche pour les aménagements de peine…

De fait, l’ouvrage d’Aymeric Caron porte bien son titre : incorrect, ce livre qui tente de remettre les pendules à l’heure en rappelant certaines vérités factuelles face aux fantasmes agités par certains politiciens. Incorrects, ces entretiens avec des chercheurs ou des sociologues qui démontent la machine à cauchemars, en démontrant que le pays ne connaît pas une explosion de l’insécurité, pas plus qu’une invasion des populations Roms. Incorrect, simplement, de ne pas opter pour une posture de « gauche complexée », face à des idéologies malsaines que la crise fait prospérer.

La France aux yeux grands fermés

Quant à l’obsession de l’Islam attisée par des marchands de peur et des populistes peu scrupuleux, Caron rappelle : « En octobre 1985 déjà, Le Figaro Magazine suscitait l’inquiétude en proposant en première page l’image de Marianne avec un voile et cette question :  » serons-nous encore français dans trente ans ?  » » Trente ans plus tard, la France est toujours debout, les minarets n’ont pas remplacé les clochers de nos villages, et Valeurs actuelles propose exactement le même genre de couvertures aux questions insidieuses.

Personnage très médiatique, mais totalement inconnu de quiconque n’ayant pas la télévision, Aymeric Caron signe ici un ouvrage documenté, sérieux et sensiblement courageux, lorsqu’il n’hésite pas à dénoncer les errements des médias (qui ne sont pas du genre à se remettre en question) ou à démontrer la violence, ainsi que la stupidité, des mensonges et de ceux qui choisissent d’y croire. Faits-divers montés en épingle, promotion d’un livre aussi nauséeux que La France orange mécanique, SMS d’insultes et menaces de mort, tout y passe dans ce vrai travail de journaliste.

On pourra peut-être reprocher à son auteur d’avoir tendance à trop se mettre en valeur, sinon en scène, mais l’on ne saurait critiquer son sérieux ni la valeur de son engagement. En réalité, on regrettera surtout que ce livre risque de n’être lu et compris que de ceux susceptibles de le lire et de le comprendre. En somme, mais les repliements idéologiques font que c’est malheureusement le cas de la plupart des essais ou des pamphlets, de ne pouvoir prêcher que des convertis.

Incorrect
d’Aymeric Caron
Éditions Fayard
350 pages, 19 €