Compte rendu sur la journée du 22 Mars 2011 au théâtre Prémol : « Espace public : les violences fait

Le 22 mars au théâtre Prémol s’est déroulée la journée de rencontres « Espace public, les violences faites aux femmes à la rue ». Elle a débuté avec un discours de la présidente de l’association « Femmes SDF », Marie-France Chamekh et Olivier Noblecourt, vice-président du CCAS de la ville de Grenoble. 
Elle a été suivie par la pièce de théâtre « L’errance est immobile », création sur l’errance féminine construite avec l’association Femmes SDF, en collaboration avec un groupe de femmes étant ou ayant été en grande précarité, à la rue ou en errance et adaptée du livre «Femmes en errance, de la survie au mieux être» de Marie-Claire Vanneuville.
A 11h30, Marie-Pierre Dieterlé, photographe professionnelle et Marie-Claire Vanneuville, co-fondatrice de l’association Femmes SDF ont présenté leur livre intitulé « C’est quand demain ?». Cet ouvrage montre 3 ans de travail, de rencontres pour comprendre, partager la souffrance et la solitude des femmes à la rue et les montrer dignes, créer un lien d’intimité pour casser leur isolement afin de se rapprocher d’elles, changer de regard pour ne pas juger.

A la fin de la présentation, la photographe s’est pliée à l’exercice de la dédicace de son ouvrage et les évènements ont repris à 13h30 avec le colloque « Espace public : les violences faites aux femmes à la rue ». Maïwenn Abjean, directrice de l’association « femmes SDF » est intervenue en préambule, expliquant que depuis 3 ans on trouvait de plus en plus de femmes à la rue et que ce fait est peu pris en compte. Depuis 10ans, l’association « femmes SDF » s’applique à mettre en place des actions adaptées et innovantes, telles que le local des femmes qui leur permet de se poser, être accueillies et écoutées, première étape nécessaire vers la réinsertion. Ces rencontres et les échanges qui en découlent montrent des réalités qui bousculent : le sujet est intime, douloureux. Il est important de mobiliser et d’impliquer le public des femmes SDF dans les actions au quotidien, activités de sensibilisation et de réflexion sur la problématique de l’errance, et dans les actions ponctuelles (participation de femmes en grande précarité à la pièce de théâtre) afin de briser leur isolement et les a priori des gens.
Un documentaire contenant des témoignages de femmes SDF a été diffusé après l’intervention de Maïwenn Abjean, où l’on apprend que les vols, disputes, hontes (d’avoir été insultée, violentée, d’être à la rue, d’avoir un sentiment de culpabilité à l’égard de ses enfants), peurs (du regard des autres, des agressions, des hommes qui abusent de la situation), les violences verbales « tout juste si on est traité humainement », « va travailler, sale pute », les violences physiques « on est pas à l’abri de se prendre un coup de couteau ou de revolver », « pour eux, on l’a cherché » mènent à leur isolement. 
Marie-Claire Vanneuville, co-fondatrice de l’association Femmes SDF explique que les violences faites aux femmes sont taboues, et c’est justement parce que ce sujet l’est, qu’il faut en parler. La ville est un espace sexué, ce qui est encore plus difficile pour les femmes en précarité, ce sont des proies de choix pour certaines personnes malveillantes. Dans l’inconscient collectif, le domicile est l’espace de la femme… Il est donc normal d’avoir honte d’être une femme à la rue… Ajoutez les dangers de la rue, vous obtiendrez le plus souvent le silence de leur détresse. Elles mettent alors des « techniques de survie », et elles ont intégré un code, celui de la rue est tacite, camouflage, se cacher, être discrète, trouver un endroit calme et sécurisé pour dormir, ce qui n’empêche pas malheureusement les violences aggravées. « La rue est violente par essence », dit Marie-Claire Vanneuville.

 

© photos : Le Bon Plan

 

Dominique Poggi sociologue formatrice, nous dit que ces femmes utilisent des tactiques, des précautions devant l’invisibilité du danger… C’est aussi une vulnérabilité construite, par l’éducation, le contrôle parental (plus « cool » pour les garçons) : les médias, les institutions et le vécu la renforcent.
Les femmes évitent les situations dangereuses, elle se restreignent, un malaise, celui du sentiment de prendre des risques en découle et s’installe.
Il y a une articulation entre la violence sur l’espace public et la violence domestique… la femme battue est cloîtrée, ce qui renforce une plus grande peur de l’extérieur.
Mais il existe des marches exploratrices pour la tranquillité des femmes, des groupes de femmes et des élus font une marche, dans un périmètre défini et prennent des notes à partir des observations pour les services techniques à Montreuil et à Dreux.
Gladys Mondière, docteur en psychologie, a travaillé sur la santé mentale des femmes SDF, qui, d’après ses études, ont moins de troubles mentaux que les hommes mais ont subi plus de ruptures familiales. Le travail précaire, le vécu marital, l’enfance, la violence parentale, la séparation familiale, un décès dramatique jouent et la problématique d’abandon, la peur d’être seul s’installe. La question du rejet est due à la non acceptation d’une pièce rapportée dans la cellule familiale recomposée. Elles en ont une vision manichéenne, qui est un moyen de défense, de protection des affects. La place du père (absent ou non) voire une grand mère maternelle qui fait contrepoids à la défaillance maternelle, jouent aussi. Leurs traumas une fois évoqués, elles ne voient et ne font pas le lien entre ces souffrances et les évènements déclancheurs ou déclanchants. La plupart du temps, c’est un (ou des) conflit(s) familial (aux) qui poussent les femmes à la rue. « Il m’a dit casse toi, alors je suis partie .»  
Moussa Djimera, chef de service maraude, a été témoin de violences. Il a pu nous témoigner de ce qu’il a pu voir, notamment avec l’anecdote de « Nathalie », qui a vécu plus de 10 ans à la rue sans porter plainte, en niant la violence devenue banale, normale. Elle a reconnu son frère, cheminot et alors qu’il n’avait plus aucun souvenir d’elle, elle a voulu le prendre dans ses bras, il l’a repoussée. Elle a fait une violente chute et est décédée à la Gare de Lyon. La violence est à tous les niveaux, la rue est violente, les institutions sont violentes, et nous aussi : nous avons, même inconsciemment, des a priori sur les SDF.
Solange Gomis, intervenante à la Halte sociale spécifique femmes rapporte qu’il y a une augmentation des centres d’hébergement pour les femmes, et que dans ces centres, la moitié des femmes SDF sont en situation régulière, et 40% en situation irrégulière, on y trouve aussi des personnes sous tutelle et des personnes âgées (plus de 60 ans), la doyenne a 82 ans.
Florence Pinon, de Médecin du monde, lance une interpellation au sujet de la santé des femmes SDF. Il y a un cheminement, une réflexion sur leur rapport au corps à engager avec elles, le fait de se soigner pour rester en bonne santé, et même de prendre soin d’elles devient difficile, du fait de la honte, de la peur et du mutisme décrits plus haut. Ce parcours de soins adaptés est important pour les femmes SDF.
Stanislas, maraudeur à la croix rouge de Grenoble,parle quant à lui des rondes en véhicule, des distributions de produits d’hygiène, de vêtements et de nourriture, des difficultés à rentrer en contact avec la personne à la rue et de cerner ses besoins. Il a pu observer des regroupements de personnes dans des squats depuis 2 ans.

Par la suite le débat s’est étendu jusqu’au public du colloque. A été établi le constat de la précarité grandissantes des jeunes (femmes et hommes confondus). Par ailleurs certaines femmes à la rue se « maquent » avec des hommes accros à l’alcool ou à d’autres substances, ce qui les enferment dans le cercle vicieux de la violence, du mutisme dues à la honte et à la peur des représailles si elles portent plainte (code de la rue). 
L’accès aux droits, se sortir de la rue, se soigner devient difficile pour elles, compte tenu de ces freins.
Les gardiens de la paix présents, agent référents pour le public en errance, ont de nombreuses fois ressenti la détresse dissimulée des femmes SDF ainsi que la carapace que certaines se sont forgées.
Moussa Djiméra a fait état des difficultés pour ouvrir des lieux de vies, il faut alors changer le regard que l’on a de ces femmes et convaincre le public.
Il en résulte une conclusion collégiale : des mesures sociales sont à prendre face au problème politique des femmes SDF et des violences faites aux femmes. Il y a un potentiel de solidarité à faire s’exprimer : balayer les a priori, les clichés. Travailler ensemble aux solutions, et les trouver, pour que les femmes n’aient plus à chercher des tactiques pour sortir et se réapproprier la rue.