Les voix oubliées

« Un homme ne doit pas mourir pour si peu » répète plusieurs fois le narrateur du livre grave et beau de Laurent Mauvignier, paru au printemps 2011. Une personne ne doit pas mourir parce qu’elle a volé et bu dans un supermarché une bière et qu’elle s’est fait surprendre par les vigiles. Inspiré d’un fait divers réel survenu à Lyon en 2009, Ce que j’appelle oubli raconte les derniers instants et l’itinéraire d’un homme tabassé jusqu’à la mort par quatre vigiles dans l’arrière boutique d’un supermarché.

Le narrateur s’adresse au frère de la victime, après le procès. Il redonne vie et voix à cet homme injustement mort. Son récit est une dénonciation de cette véritable mise à mort et des actes de violence qui tendent à se banaliser. Il met aussi en question la jouissance que certains y prennent. « Ils se sont fait plaisir, voilà, le fonds de l’affaire c’est que c’était de leur jouissance à eux qu’ils étaient coupables », écrit Laurent Mauvignier.
Ce livre est court et percutant, étonnant dans sa forme : une soixantaine de pages constituées d’une seule phrase ondulante qui emporte le lecteur. Comme dans les premiers ouvrages de Laurent Mauvignier (notamment Loin d’eux et Apprendre à finir), il aborde les thèmes du rejet et de l’isolement en donnant à entendre des voix le plus souvent oubliées.

 

Laurent Mauvignier, Ce que j’appelle oubli, Editions de Minuit, 7 Euros.
Livre disponible dans les bibliothèques municipales Alliance, Arlequin, Centre Ville, Eaux-Claires et Kateb Yacine.