Lou voit les morts

L’adolescence c’est les amis, le lycée, et de multiples interrogations. C’est dans cet univers, dans l’appétence pour le mystique que Lou découvre son don : elle est en relation avec les morts.

La collaboration entre Carole Martinez et Maud Begon donne la parole au fantastique avec Bouche d’ombre, bande dessinée en quatre volumes aux couleurs vivaces. On découvre dans ces deux premiers volumes, Lou 1985 et Lucie 1900, des tonalités dominantes comme le vert et le violet qui nous imprègne de spiritisme. Le blanc, le noir et le gris parviennent à dessiner une frontière floue entre les vivants, les morts, entremêlent la réalité et l’au-delà.

Une ambiance mystérieuse qui se construit progressivement autour d’un cauchemar, d’une superstition, pour prendre sa source dans une séance de spiritisme qui tourne mal et pousse un personnage au suicide. Lou commence alors à se révéler, à réaliser son aptitude, à voir les morts.

Des émotions exacerbées, une morbidité qui trouve son relief au beau milieu de la vivacité, de l’effervescence d’un groupe d’adolescents comme les autres. Ponctué régulièrement d’humour, l’univers paranormal prend son sérieux, sa dimension, sa véracité, à travers différents personnages qui viennent l’incarner. Fantômes, voyantes, représentants vaudous, artistes au discours philosophique apparaissent de façon surprenante, brève, intime. Ils colonisent peu à peu le monde de la jeune fille, l’espace des planches de dessins et celui de notre imagination.

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Le scénario se déroule grâce à l’intervention d’un psychologue qui va écouter, hypnotiser Lou. Un pendule, un état de conscience régressif va la plonger dans son passé, celui des personnages qu’elle perçoit, pour qu’elle puisse comprendre la mission qui lui est confiée : libérer les morts en communiquant leur message. Habilement mené entre rêve et réalité, science et surnaturel, les secrets se dévoilent. Des secrets qui pèsent lourd sur les épaules de l’adolescente puisqu’elle ne pourra les livrer sans fatales conséquences.

Des mots se déposent parfois sur les vignettes, hors dialogues. Parfois vulgaires ils libèrent la violence d’une situation, parfois poétiques ils ajoutent une certaine profondeur. Des illustrations qui offrent une dimension enrichissante et intéressante à un style graphique qui évolue, dessine des cases de moins en moins brouillonnes à mesure d’une situation de plus en plus claire.

Comme un personnage nous le dira, « enfant on compte les minutes, ensuite ce sont les heures qu’on compte, puis les jours, les mois, et il arrive un moment où on ne compte même plus les années », ni les pages de ces albums prenants au scénario intéressant bien qu’attendu. Une lecture agréable, un suspens bien articulé, on attend avec impatience une suite qui s’annonce prometteuse.

 

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Bouche d’ombre Lucie 1900 Vol 2
Carole Martinez/ Maud Begon
Éditions Casterman
90 pages, 17€