Gould, l’art du fugueur

Interprète de génie au nom intimement lié à celui de Bach, Glenn Gould nous est conté dans une bande dessinée aussi crépusculaire qu’enchanteresse.

Les variations Gouldberg

« Quel plaisir de jouer devant un public qui attend secrètement la fausse note ? » se demande le jeune Glenn Gould, prodige insensé qui se fera pourtant applaudir aux quatre coins du monde avant de cesser de donner des concerts pour se concentrer sur des enregistrements radiophoniques et discographiques.

Gould est une anomalie : solitaire et introverti, il déposera sur son clavier une sensibilité hors du commun, dont seuls semblent doués les grands misanthropes. Mais il ne joue pas pour les autres : son jeu est intime, sa touche personnelle. Gould respire les œuvres qu’il interprète, tordu sur son piano dans une position allant à l’encontre de toutes les règles. Et fredonnant en même temps, offrant à certains de ses enregistrements comme un souffle fantomatique.

Sandrine Revel ne signe pas une biographie académique : elle tisse son récit autour d’instants de vie – et de mort – du pianiste canadien, au fil de pages et de cases parfois drôles, souvent mélancoliques, et toujours inspirées. Deux univers s’y rencontrent, et s’y complètent avec grâce.

 

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Une vie en contrepoint

Rêves de formes, de couleurs et d’orage, amplitudes enneigés et ciels maculés d’une pluie grise. L’album cherche à percer le mystère d’une personnalité hors du commun, et y parvient en dressant au final le portrait d’un génie ordinaire qui « refuse d’être comme les autres. »

Mais surtout, l’auteure ne s’embarrasse pas de tintamarres exubérants pour conter la vie d’un musicien qui aura fait lever le cœur de foules entières. À l’image de Gould lui-même, qui ne jouait jamais mieux que lorsqu’il ne pouvait s’entendre jouer, Sandrine Revel signe une œuvre où le silence est prédominant, soutenant la beauté et la poésie de ses images.

Libre au lecteur d’accommoder sa lecture des morceaux que la dessinatrice confie avoir écouté durant la réalisation de son ouvrage, ou de se reporter à la précieuse discographie « raisonnée » qui vient le conclure. Mais le silence est d’or, et l’album ne souffrira aucunement d’être lu dans la quiétude paresseuse d’un dimanche pluvieux. Bien au contraire.


Glenn Gould – Les Variations Goldberg – 1981

 

 20150326 gould1Glenn Gould, une vie à contretemps
De Sandrine Revel
Éditions Dargaud
128 pages, 21 €