Papys font de la résistance

En suivant deux inspecteurs qui enquêtent sur une série de meurtres commis dans le secteur bancaire, Miguelanxo Prado touche à un sujet brûlant : celui des ravages de la crise financière. Avec Proies Faciles il nous livre un polar engagé qui ne peut laisser indifférent.

Espagne en 2014, plusieurs meurtres sont commis à quelques jours d’intervalle. Toutes les victimes travaillaient dans le secteur bancaire. L’œuvre d’un tueur en série ? C’est ce que vont tenter d’élucider les inspecteurs Olga Tabares et Carlos Sotillo dans une enquête pleine de rebondissements. Sur fond de crise économique, dans une Espagne accablée par diverses injustices sociales, les révélations finales mettront en lumière que les proies faciles ne sont pas toujours celles que l’on croit.

Une enquête menée tambour battant

Miguelanxo Prado a l’art de nous immerger dans son univers en seulement quelques planches. Un magnifique dessin tout en nuance de gris, un trait sobre et réaliste très expressif, et nous voilà plongés dans un polar urbain contemporain. Ici, pas de courses-poursuite arme à la main ni d’effusion de sang inutile, mais un récit centré sur les personnages et le déroulement d’une enquête. Les fausses pistes, les indices et les rebondissements s’enchaînent à un rythme soutenu et ne laissent pas le temps de souffler.
Toujours aux basques de notre binôme d’inspecteurs, nous partageons leurs questionnements, leurs tiraillements entre opinions personnelles et obligations professionnelles, mais aussi leur complicité non dénuée d’humour. A ce titre, les dialogues réalistes sonnent justes et nous offrent des portraits de personnages humains imbriqués dans une intrigue aux résonances actuelles.

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La dénonciation d’un système

Particulièrement attaché à des valeurs humanistes et de solidarité, Miguelanxo Prado ne s’en cache pas : il a modelé une histoire engagée qui dénonce les dérives du système bancaire. Il explique en préambule de son ouvrage : « Ce qui m’a poussé à écrire ce scénario : un énième petit déjeuner, ulcéré à la lecture de tant d’articles sur des personnes sans défense, sacrifiées sans scrupule dans le broyeur du bénéfice de la spéculation ».
En Espagne, la crise financière a laissé beaucoup de monde  sur la paille , et les banques ont leur part de responsabilité. En incitant de petits épargnants peu qualifiés à souscrire à des « actions préférentielles » : des produits financiers à risques, les banques ont ruiné une partie de la population déjà fragilisée par la crise économique au premier rang desquels les retraités espagnols.

Véritable scandale dans la péninsule ibérique, cette affaire sert de toile de fond à ce polar aux accents sociaux captivant. Dans une période dominée par de multiples crises, Proies faciles nous questionne sur les dérives d’un monde financiarisé et sur la violence qu’elles entraînent dans la société.

20170317 couvertureproie   Proies Faciles
   de Miguelanxo Prado
   Editions Rue de Sèvres
   94 pages
   18 €